Je ne vous souhaite pas le bonheur

La danseuse Liz Walker du Los Angeles Ballet à Cambridge, Massachusetts.

Je ne vous souhaite pas une bonne année. Comment le pourrais-je ? Le bonheur n’est qu’un moment joyeux au milieu d’autres moments humbles, qui ne sont pas moins importants.

Le bonheur, c’est un verre d’eau fraîche par une chaude journée, la brise sur votre peau, la lumière du soir qui embrasse tout avec son miel. Le bonheur, c’est la rencontre inattendue avec un vieil ami, la gratitude, la tendresse, les heures partagées dans le délicieux néant de l’être.

Un moment de bonheur après un autre moment de bonheur après un autre moment de bonheur perdrait son éclat.

Par des nuits comme celle-ci, on dit Inshallah. Si seulement Dieu ou l’Univers nous l’accorde. Si le cosmos le permet. Pour vous dire la vérité, j’ai peur d’un malheur traître. J’ai peur que vous souhaiter le bonheur soit une arrogance, une naïveté.

Je ne vous souhaite pas le bonheur. Non. Je vous souhaite de la vitalité. Une vitalité persistante, insistante, obstinée. Une vitalité malgré tout. Je vous souhaite la magie de l’alchimiste, le savoir secret qui transforme même la douleur en beauté. Je vous souhaite la créativité, le pouvoir ludique de transformer l’argile en réponse, en divagation.

Je vous souhaite la conscience. Pas la conscience abstraite ou philosophique, mais la conscience… de la présence… de ceux que nous aimons.

Je vous souhaite de la tendresse, une tendresse fière et convaincue, une tendresse qui engage vos os, vos entrailles. Une tendresse qui vous permette de vivre ce que l’autre ressent, avec conviction et abandon.

Je vous souhaite une rose à qui vous avez donné le droit de vous apprivoiser. Chaque personne a l’obligation de vivre la délicieuse complicité de l’amour, le danger de perdre ses sens pour finalement les retrouver. Je vous souhaite la proximité, l’âme qui est proche d’une autre âme jusqu’à ce qu’elle cède au mystère de l’autre.

Je vous souhaite du temps, beaucoup de temps, du temps que vous ne vendrez pas au plus offrant. Du temps pour marcher, pour respirer, pour aimer, pour fêter. Du temps dans la solitude et du temps à partager. Je vous souhaite du temps pour écouter les rythmes de la nature et le chant des oiseaux, du temps pour l’émerveillement.

Je vous souhaite les étoiles, le mystère de se perdre dans leur mystère. Aussi sages et intelligents que nous soyons, il suffit de regarder le ciel par une nuit étoilée pour imaginer notre ignorance.

La vie est courte et cela la rend précieuse. La vie est cruelle, insensée, indifférente. Mais surtout, elle est courte. Je vous souhaite la joie parfumée de savoir que vous êtes en vie aujourd’hui, maintenant, ce moment, ce moment qui ne reviendra pas.

Nous, les humains, ne savons rien de l’avenir. Nous arrivons à peine à babiller inshallah, espérons, si l’univers le permet.